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La foule les entoure, et déjà rassuré,
L’enfant, dans un récit avec art préparé,
Guidé par sa prudence, aidé par sa mémoire,
D’Orpha, sans se trahir, recompose l’histoire,
La peint d’une étrangère esclave en sa maison,
Et sans dire sa fuite en montre la raison.
Mais en vain sa réserve entretient le mystère,
Déjà Ruth dans la fille a reconnu la mère.
Elle se tait, pourtant, quand Obed, à son tour,
Dit qu’il veut pour Moab partir avant le jour,
Se rendre auprès d’Orpha, l’engager à la fuite,
L’affranchir, la venger de la Madianite.

— Lorsqu’amis et parents, dit-il, autour de moi,
Honorés et bénis me fêtent comme un roi,
La sœur, la propre sœur de ma mère adorée
Souffre et meurt sans appui dans une autre contrée.
Ah ! que n’est-elle ici ! que ne puis-je entre nous
L’asseoir et la servir.

 — Où la placeriez-vous,
Mon enfant ? lui dit Ruth, contente de son zèle.

— Près de vous pour toujours, et sa fille avec elle.

— Hâtez-vous donc, mon fils, et qu’il soit fait ainsi,
Car déjà la nuit tombe, et ma sœur : la voici.

À ces mots, un long cri de la foule s’élève ;
Orpha s’est dévoilée, et, comme dans un rêve,
Obed sous les baisers veut parler et ne peut.
On porte des flambeaux, chaque groupe s’émeut ;
On circule, on se place, une foule bruyante
Couronne enfin la table élargie et fumante.
Seule, Jaïd encor, jeune fleur du banquet,
A senti qu’à sa joie un convive manquait.
Obed lit dans ses yeux, et, bientôt auprès d’elle,
Entraîne avec efforts la négresse fidèle.
L’assemblée applaudit des mains et de la voix,
Et l’esclave, en cédant, rit et pleure à la fois.

Cependant Lahabim, le joueur de cinnore,
Aux charmes de la nuit mêle un hymne sonore ;
Il chante Noëmi, son exil, son retour,
Son déclin embelli de respect et d’amour ;
Puis l’exemple de Ruth, dont la noble constance
Au cœur des malheureux ranime l’espérance,