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principe avec cette autre maxime, que l’homme n’a pas le droit de se tuer lui-même, puisqu’il a dû l’avoir, s’il a pu le donner à d’autres ou à la Société ?

La peine de mort n’est donc autorisée par aucun droit. Elle ne peut être qu’une guerre de la nation contre un citoyen dont on regarde la destruction comme utile & nécessaire à la conservation de la Société. Si donc je démontre que, dans l’état ordinaire de la Société, la mort d’un citoyen n’est ni utile ni nécessaire, j’aurai gagné la cause de l’Humanité.

Je dis dans l’état ordinaire ; car la mort d’un citoyen peut être nécessaire en un cas ; & c’est lorsque, privé de sa liberté, il a encore des relations & une puissance qui peuvent troubler la tranquillité de la nation ; quand son existence peut produire une révolution dans la forme du Gouvernement établi. Ce cas ne peut avoir lieu que lorsqu’une nation perd ou recouvre sa liberté, ou dans les temps d’Anarchie, lorsque les désordres mêmes tiennent lieu de lois. Mais pendant le règne tranquille de la Législation, & sous une forme de gouvernement approuvée par les vœux réunis de la nation ; dans un État défendu contre les ennemis du dehors, & soutenu au-dedans par la force, & par l’opinion, plus efficace que la force même ; où l’autorité est toute entière