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Toute peine est injuſte, auſſitôt qu’elle n’eſt pas néceſſaire à la conſervation du dépôt de la liberté publique. Les peines ſeront d’autant plus juſtes, que le Souverain conſervera aux particuliers une liberté plus grande, & qu’en même tems la liberté publique demeurera plus inviolable & plus ſacrée.


§. III.

Conſéquence des principes ci-deſſus.

La première conſéquence de ces principes eſt qu’il n’appartient qu’aux loix ſeules de décerner la peine des crimes, & que le droit de faire les loix pénales ne peut reſter que dans le Légiſlateur qui repréſente toute la ſociété unie par le contrat ſocial. Il ſuit de-là que le Magiſtrat n’étant que partie de la ſociété ne peut, avec juſtice, infliger à un autre membre de la ſociété une peine qui n’eſt pas décernée par la loi ; & comme l’accroiſſement de ſévérité dans une peine quelconque déjà décernée pas la loi par-delà le

    ticuliers, & ſans lequel, en ſe ſéparant de nouveau, ils rameneroient l’ancien état d’inſociabilité. Il faut éviter d’attacher au mot juſtice l’idée d’une force phyſique, ou d’un être exiſtant. Ç’eſt une ſimple manière de concevoir des hommes qui influe ſur la félicité de chacun d’eux. Je n’entends pas parler ici de la juſtice de Dieu, qui est d’une autre eſpèce, & qui a ſes relations immédiates avec les peines de les récompenſes d’une vie à venir.