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§. II.

De l’origine des peines, & du fondement du droit de punir

La morale politique, pour procurer à la ſociété quelque avantage durable, doit être fondée ſur les ſentimens ineffaçables du cœur de l’homme.

Toute loi qui ne ſera pas établie ſur cette baſe, éprouvera toujours une réſiſtance à ſe maintenir ; & cette réſiſtance, quoique petite, renverſera enfin la loi, comme nous voyons en méchanique une petite force qui s’exerce à chaque inſtant, détruire dans un corps le mouvement le plus violent. Conſultons donc le cœur humain pour y trouver l’origine des peines, & les véritables fondemens du droit de punir.

Perſonne n’a fait gratuitement le ſacrifice ou don de ſa liberté dans la ſeule vue du bien public. Cette chimère n’exiſte que dans les Romans. Chacun de nous voudroit, s’il étoit poſſible, que les conventions qui lient les autres, ne le liaſſent pas lui-même. Chaque homme ſe fait le centre de toutes les combinaiſons de l’univers.

La multiplication du genre humain, quoique lente, étant encore trop rapide pour que la nature abandonnée à elle-même fût capable de fournir