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C’eſt aux vérités philoſophiques rendues communes par l’invention de l’imprimerie, qu’on doit la connoiſſance des véritables rapports qui uniſſent les Souverains à leur ſujets, & les peuples entr’eux. Le commerce s’eſt animé, & on a vû s’élever entre les nations une guerre d’induſtrie plus humaine & plus raiſonnable. Mais tandis que beaucoup de préjugés ſe ſont diſſipés à la lumiere de ce ſiecle, nous voyons qu’on ne s’eſt point occupé de réformer l’irrégularité des procédures criminelles, partie de la légiſlation auſſi importante que négligée dans toute l’Europe.

On ne s’eſt point élevé contre la cruauté des peines en uſage dans nos Tribunaux. On n’a point combatu ces erreurs accumulées depuis pluſieurs ſiecles : on n’a point oppoſé la force de la vérité connue, à l’abus d’un pouvoir mal dirigé, & à ces exemples répétés & autoriſés d’une atrocité froide. Cependant les gémiſſements des foibles ſacrifiés à l’ignorance cruelle & à l’indolence des puiſſances ; des tourmens barbares prodigués inutilement pour des crimes, ou mal-prouvés, ou chimériques ; l’horreur des priſons augmentée par ce qui fait le ſupplice le plus grand des miſérables, l’incertitude de leur fort, auroient dû réveiller l’attention des Philoſophes, cette eſpèce de Magiſtrats, dont l’emploi eſt de diriger les opinions humaines. L’immortel Monteſquieu