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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Teresina s’écria Pompeo en joignant les mains et en tressaillant au son de la voix du masque.

— Toi et ce jeune homme vous êtes complices tous deux d’un crime sur sa personne… Je t’en dirai plus, après-demain, au bal du comte de San-Pietro, où il a oublié de m’inviter…

— Et qui êtes-vous donc, monsieur ? demanda Charles en se précipitant sur son passage, pendant que Pompeo s’agenouillait pâle et brisé devant la duchesse.

— L’homme qui chantait ce soir à l’île aux Vaches. Adieu !

Il lança à Charles un regard flamboyant, courut à l’issue par laquelle Cesara avait voulu faire sortir Pompeo, et s’abîma dans les ténèbres comme un fantôme… Pompeo, s’élançant après lui, ne put réussir à le joindre.


XXVIII

UN PÈRE.


Deux jours après, les vastes salons de l’île, ardemment illuminés, projetaient jusqu’en la Seine les gerbes de leurs candélabres éblouissants ; une armée de valets campait de bonne heure sous le vestibule ; des jonchées de fleurs s’étalaient partout ; une foule de bourgeois et d’oisifs encombraient le quai.

La décoration de la cour elle seule, décoration due au génie de Bellerose, représentait une vue de la fontaine des Tritons à Aranjuez ; trois énormes jets d’eau partaient d’un bassin de porphyre et formaient un dôme de rosée au-dessus de leur grande vasque ornée de figures. Dans les coins de la grande cour brûlaient quatre torchières colossales figurant des nègres enchaînés ; l’escalier, orné de cailloutages et de stalactites, ressemblait à une voûte de pierres fines sur laquelle se brisait la réverbération de mille lumières.

À l’intérieur des appartements, tout n’était que luxe et somptuosité de prince ; dans la première salle, des armu-