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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

malheur ! ce sont des lettres en italien ! J’ai cependant lieu de supposer qu’elles ont quelque importance… Qui concernent-elles ? vous le savez peut-être ; en attendant, j’ai cru qu’il était prudent à moi de les garder. Je vous dirai plus tard dans quel lieu je les trouvai.

Pompeo n’écoutait plus. Agité d’un tremblement convulsif, il venait d’ouvrir le coffret et de le vider ; Mariette avait dit vrai, il ne contenait que des lettres à moitié jaunies par le temps, mais chacune de ces lettres faisait refluer le sang de l’Italien jusqu’au cœur ; la joie et la douleur se le disputaient. À la fin, il poussa un cri aigu, un cri de tigre blessé ; puis, laissant échapper le coffret de ses mains froides, il retomba inanimé sur le parquet.

Mariette eut peur, elle était seule ; elle courut jusqu’à la vasque de marbre ornée de tritons qui recevait l’onde cristalline d’un réservoir, près de la grande galerie.

Elle puisa de l’eau dans ses mains tremblantes et la versa sur le front brûlant de l’Italien.

— Qui me rappelle à la vie ? demanda Pompeo d’une voix sourde.

— Moi, moi, votre amie ; moi, Mariette, répondit la jeune fille en écartant les cheveux de Pompeo.

Son souffle léger s’épanouit bientôt en fluide électrique sur les tempes de cet homme, qui la regarda avec une singulière expression. Une pensée amère, absorbante, déchirait le cœur de Pompeo ; il se releva d’un bond en ramassant le coffret. Après y avoir renfermé les lettres, il en prit la clef, et la serrant dans sa poitrine, il dit à la jeune fille :

— Ces papiers, Mariette, renferment un secret qui me regarde moi seul ; vous les avez remis sans le savoir à leur adresse… Un mot seulement : vous m’avez promis de me dire où vous les aviez trouvés ?

— Dans la cabane de maître Gérard le passeux, répondit Mariette.

— C’est bien cela, reprit Pompeo d’une voix brève. Gérard m’avait dit qu’une femme lui avait confié ce dépôt…