Page:Beaunier - La Poésie nouvelle, 1902.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fête piteuse, tristes danseurs, que deux pauvres fous et deux folles.

Des fous vont et viennent à travers les chemins et les venelles ; on dirait qu’ils sont seuls vivants dans la campagne déserte. Dans leurs vagabondages insensés, ils rencontrent aussi « le donneur de mauvais conseils », et des loqueteux et des mendiants, qui eux-mêmes ont l’air de fous, avec leurs guenilles, avec leurs hargnes, avec leurs yeux où se reflète « l’âpreté et la stérilité du paysage ». Et ils vaticinent, les fous, la mort du sol, la fin des germes, et que la terre est condamnée. Ils pullulent, les fous, là-bas, « depuis que les malheurs ravagent les villages »…

Mais, sur la grand’route qui va vers la ville, voici la horde des pauvres gens qui n’ont rien de rien, « buveurs de pluie, lécheurs de vent, fumeurs de brume » ; dans leur mouchoir à carreaux bleus, ils portent au bout d’un bâton « le linge usé de leur espoir ». Au village, il n’y a plus rien, on ne peut plus vivre. Alors on est parti, les femmes traînant les enfants hâves, vers la ville qui est au loin,


À l’occident, sous des cieux gras,
Avec sa tour comme un Thabor,
Avec son souffle et son haleine
Épars et aspirant les quatre loins des plaines…


Or, voyez-la telle qu’elle est, la ville tentaculaire, et non plus telle qu’en un décevant mirage, lointaine et brillante, elle se profilait. De place en place des statues, immobiles dans leur posture de convention : le moine, le soldat, le bourgeois, l’apôtre, avec des gestes édifiants. Mais autour de leurs socles, ici et là, dans les