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CHAPITRE IX.


L’épreuve.


Nelson fut inflexible dans son sentiment. Je ne pouvais approuver ses craintes ; cependant il me fallut obéir à sa volonté. Je me consolais en pensant que cet obstacle n’était qu’un ajournement de mon bonheur… N’étais-je pas sûr du cœur de Marie ? et Nelson me promettait qu’à mon retour, si mes intentions n’étaient pas changées, il cesserait de les combattre.

Avant de quitter Marie, je lui donnai mille assurances d’amour. Elle m’écoutait triste et silencieuse ; enfin, d’une voix attendrie : — Je ne veux point, me dit-elle, par des serments justifier les vôtres. Pour vous rester fidèle, il ne me faudra ni sacrifices ni efforts, à moi que personne ne peut aimer ; mais vous, ami généreux, vous ne pouvez engager l’avenir et vous charger, en entrant dans la vie, d’un fardeau qui vous écraserait au premier pas. Ses larmes achevèrent de me répondre. Au jour marqué pour mon départ, comme j’allais prendre dans la baie de Baltimore le bateau à vapeur qui devait me conduire à New-York, et, au moment où le canot d’embarcation commençait à s’éloigner de terre, Marie, dont j’avais reçu les adieux, me fit un signe du rivage, et levant ses mains vers moi : — Ludovic, s’écria-t-elle, vos serments ! vous ne pourrez les tenir !… je vous en délie… Je fis un mouvement vers elle ; mais l’absence était commencée. Je jetai une parole aux vents ; déjà j’étais trop loin pour être entendu. Avec quelle rapidité cette séparation devint complète ! comme l’intervalle entre nous s’agrandit vite ! D’abord la distance que l’œil mesure sans peine ; puis l’horizon loin-