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mieux que l’esclave ; et il est plus profitable de payer un ouvrier qui fait bien que de nourrir un esclave qui fait mal… Et ils condamnent l’esclavage.

Ils se disent encore : Le travail est la source de la richesse ; mais la servitude déshonore le travail : les blancs seront oisifs, tant qu’il y aura des esclaves ; et ils condamnent l’esclavage.

Leur intérêt est d’accord avec leur orgueil… L’émancipation des noirs ne fait des hommes libres que de nom : le nègre affranchi ne devient point pour les Américains un rival dans le commerce ou dans l’industrie. Il peut être l’une de ces deux choses : mendiant ou domestique ; les autres carrières lui sont interdites par les mœurs. Affranchir les nègres aux États-Unis, c’est instituer une classe inférieure… et quiconque est blanc de pure race appartient à une classe privilégiée… La couleur blanche est une noblesse.

— Ne croyez point, mon ami, dis-je en m’adressant à Georges, que ces préjugés soient destinés à vivre éternellement ! Selon les lois de la nature, la liberté d’un homme ne peut appartenir à un autre homme. Liberté ! mère du génie et de la vertu, principe de tout bien, source sacrée de tous les enthousiasmes et de tous les héroïsmes, une race d’hommes serait-elle condamnée à ne se réchauffer jamais aux rayons de ta divine lumière ! Vouée pour toujours à l’esclavage, elle ne connaîtrait ni les gloires du commandement ni la moralité de l’obéissance ; incessamment courbée sous les fers pesants de la servitude, elle n’aurait pas la force d’élever ses bras vers le ciel ; travaillant sans relâche sous l’œil de ses tyrans, il lui serait interdit de contempler à loisir le firmament si beau, si resplendissant de clartés, d’y élancer sa pensée, et de se livrer à ces admirations sublimes d’où naissent l’inspiration pour l’esprit, l’élévation pour l’âme, et pour le cœur la poésie.

Et, me tournant vers Nelson, je repris en ces termes :

— La société américaine, qui porte la plaie de l’esclavage, travaille-t-elle du moins à la guérir ? et prépare-t-elle, pour deux millions d’hommes, la transition de l’état de servitude à celui de liberté ?

nelson.

Personne, hélas ! n’est d’accord sur ce point. Les uns vou-