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de l’émeute, il avait jugé suffisants pour la réprimer des moyens que l’événement avait fait reconnaître inefficaces ; cet aveu naïf d’une erreur dont les conséquences avaient été si déplorables, parut tout-à-fait satisfaisant. Le maire n’avait fait que suivre les mouvements de l’opinion publique. Quand la sédition éclata, on se plaisait à penser que des mesures rigoureuses ne seraient point indispensables pour la combattre ; elle n’atteignait que des gens de couleur. On conserva cette espérance le plus long-temps possible. Tous ont su gré aux magistrats d’avoir partagé l’illusion commune.

La lutte étant terminée, chacun des partis s’efforça d’en éluder la responsabilité. La majorité de la population s’était levée pour comprimer les factieux : à l’instant où la sédition prit un caractère alarmant pour la cité, le plus grand nombre s’efforça de mettre l’insurrection et ses conséquences morales à la charge des victimes. Les insurgés étaient sans doute coupables de s’être placés au-dessus des lois ; mais les nègres et leurs partisans ne les avaient-ils pas provoqués ? Un journal poussa l’égarement de la passion jusqu’à demander qu’on mît en accusation, comme coupables d’attentat à la paix publique, MM. Tappan et le docteur Cox, dont l’insurrection avait causé la ruine.

Ceux qui n’étaient pas aussi sévères envers les partisans de la race noire, étaient au moins très indulgents pour ses ennemis. La presse vint seconder admirablement ces dispositions et fournir des arguments à ceux qui n’avaient que des passions.

La véritable cause de l’hostilité contre les nègres est, comme je l’ai dit plus haut, l’orgueil des blancs blessés par les prétentions d’égalité que montrent les gens de couleur. Or, un sentiment d’orgueil ne justifie pas la haine et la vengeance. Les Américains n’étaient point fondés à dire : Nous avons laissé frapper les nègres dans nos cités, nous avons souffert qu’on renversât leurs demeures privées, qu’on profanât et qu’on abattît leurs temples sacrés, parce qu’ils avaient eu l’audace de vouloir s’égaler à nous. Ce langage, qui eût été celui de la vérité, eût annoncé trop de cynisme.

— Voici comment la presse a tiré d’embarras les Américains :

« Les partisans des nègres, a-t-elle dit, qui veulent que les gens de couleur soient les égaux des blancs, demandent l’abolition de l’esclavage dans toute l’Union ; or, c’est demander une chose contraire à la constitution des États-Unis ; en effet,