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ils se trouvent placés, il me paraît incontestable qu’ils y parviendraient tôt ou tard, si on leur laissait le loisir d’achever leur ouvrage ; mais il n’en est point ainsi : les terres sur lesquelles habitent ces malheureux Indiens sont situées dans les limites des États que j’ai cités plus haut ; aujourd’hui ces États les réclament comme leur héritage ; et l’Union favorise l’exécution de leur dessein en offrant aux Indiens qui voudraient quitter le pays de les transporter à ses frais dans une vaste contrée située sur la rive droite du Mississipi (Arkansas), où ils pourront vivre à l’abri de la tyrannie des blancs. La portion la plus civilisée des Indiens refuse de se prêter à ce dessein ; mais la masse de la nation, qui a conservé une partie des habitudes errantes des peuples chasseurs, s’y résout sans peine ; et, conduite de nouveau dans d’immenses déserts, loin du foyer de la civilisation, elle redevient aussi sauvage qu’elle l’était jadis. Ainsi le gouvernement américain détruit chaque jour ce que le gouvernement des Cherokees s’efforçait d’exécuter ; et, tandis que ce dernier attire les sauvages vers la civilisation, l’autre les pousse vers la barbarie. Le résultat de cette lutte n’est pas douteux : il est facile de prévoir qu’à une époque très-rapprochée ces Indiens, transportés sur la rive droite du Mississipi, auront quitté la charrue pour reprendre la hache et le mousquet, et chercheront de nouveau leur seule subsistance dans les travaux improductifs du chasseur.

Les tribus de Chikassas, des Chactaws, des Creeks et des Cherokees sont les seules qui aient manifesté quelque propension à embrasser la vie des peuples cultivateurs. Toutes les autres ont conservé avec une étrange ténacité les habitudes de leurs aïeux, et, sans avoir leur esprit et leurs ressources s’obstinent encore à vivre comme eux.

Si l’on embrasse dans un seul point de vue tous les Indiens qui habitent de nos jours l’Amérique du Nord, on découvre donc sans peine que tous ont conservé l’état social qu’ils avaient il y a deux cents ans. Comme leurs pères, ils tirent presque toute leur subsistance de la chasse ; ils mènent à peu de chose près le genre de vie dont, en 1606, le capitaine John Smith faisait le tableau ; cependant d’immenses changements se sont opérés parmi eux. Quels sont ces changements ? quelle en est la cause ?