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servir d’instrument, était resté parmi les Iroquois. À la première nouvelle que ceux-ci reçurent de ce qui venait de se passer, les anciens le firent appeler, et, après lui avoir exposé le fait avec toute l’énergie dont on est capable dans le premier mouvement d’une juste indignation, lorsqu’il s’attendait à éprouver les plus funestes effets de la fureur qu’il voyait peinte sur tous les visages, un des anciens lui parla en ces termes, que nous avons appris de lui-même, dit Charlevoix : « Toutes sortes de raisons nous autorisent à te traiter en ennemi ; mais nous ne pouvons nous y résoudre. Nous te connaissons trop pour ne pas être persuadés que ton cœur n’a point de part à la trahison que tu nous as faite, et nous ne sommes pas assez injustes pour te punir d’un crime dont nous te croyons innocent, que tu détestes sans doute autant que nous, et dont nous sommes convaincus que tu es au désespoir d’avoir été l’instrument : il n’est pourtant pas à propos que tu restes ici ; tout le monde ne t’y rendrait peut-être pas la même justice que nous ; et, quand une fois notre jeunesse aura chanté la guerre, elle ne verra plus en toi qu’un perfide qui a livré nos chefs à un rude et indigne esclavage, et elle n’écoutera que sa fureur, à laquelle nous ne serions plus les maîtres de te soustraire. » (Charlevoix, vol. II, page 345.)

Nous avons vu avec quelle inhumanité ces sauvages traitaient leurs prisonniers. Parmi ces prisonniers il en est cependant toujours un certain nombre qui sont épargnés, et que la nation adopte : ceux-là n’ont pas moins à se louer de la générosité de leurs vainqueurs que les autres à se plaindre de leur barbarie.

« Dès qu’un prisonnier est adopté, dit Charlevoix, volume I, page 363, on le conduit à la cabane où il doit demeurer, et on commence à lui ôter ses liens ; on fait ensuite chauffer de l’eau pour le laver ou panser ses plaies. On n’omet rien pour lui faire oublier les maux qu’il a soufferts : on lui donne à manger, on l’habille proprement ; en un mot, on ne ferait pas plus pour l’enfant de la maison, ni pour celui que le prisonnier ressuscite, c’est ainsi qu’on s’exprime. Quelques jours après on fait un festin pendant lequel on lui