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aussi inévitables sur l’âme des hommes qui l’ont admis que sur leur esprit.

Il est certaines affections qui, pour recevoir tout leur développement, demandent de l’oisiveté, du temps, de la tranquillité, l’usage du superflu, l’habitude d’une vie intellectuelle. Celles-là étaient à peu près inconnues à des peuples chasseurs comme les Américains du Nord.

L’amour, cette passion exclusive, rêveuse, enthousiaste, sensuelle et immatérielle tout à la fois, cette passion qui joue un si grand rôle dans la vie des hommes policés, ne venait presque jamais troubler l’existence du sauvage. « Les Indiens dit Lahontan, t. II, p. 131, n’ont jamais connu ce que nous appelons l’amour ; ils aiment si tranquillement qu’on pourrait appeler leur amour une simple bienveillance. Ils ne sont point susceptibles de jalousie. » — « Les sauvages, dit-il encore, n’aiment que la guerre et la chasse, ils ne se marient qu’à trente ans, parce qu’ils croient que le commerce des femmes les énerve de telle sorte, qu’ils n’ont plus la même force pour faire de longues courses et courir après leurs ennemis. »

Il existe d’autres sentiments, au contraire, qui sont si naturels au cœur humain, qu’on les retrouve toujours quelle que soit la position que l’homme occupe. Ces derniers se montrent d’autant plus énergiques qu’ils sont en plus petit nombre ; d’autant plus violents que l’esprit, moins rempli et plus inculte, ne paralyse pas par le doute les mouvements du cœur et l’action in de la volonté. Ces sentiments avaient acquis chez les Américains du Nord un degré d’intensité inconnu aux nations civilisées de l’ancien monde. La colère, la vengeance, l’orgueil, le patriotisme, se montrent là sous des formes terribles qu’ils n’avaient point revêtues ailleurs.

L’état social faisait également naître chez les tribus indiennes un certain nombre de vices et de vertus qu’on retrouvait à un degré plus ou moins grand chez tous les peuples qui habitaient alors le littoral du continent.

Les Indiens de l’Amérique du Nord possédaient peu de biens, et, ce qui est remarquable, ne connaissaient aucun de ces biens précieux au moyen desquels on acquiert tous les autres. Il était donc rare de rencontrer chez eux ces passions viles que fait naître la cupidité ! Le vol y était presque inconnu !