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Aussi les premiers Européens qui abordèrent sur les côtes de l’Amérique du Nord trouvèrent-ils établie chez tous les sauvages cette opinion, que le travail de la terre doit être abandonné aux femmes, aux enfants, aux esclaves, et que la chasse et la guerre sont les seuls soins dignes d’un homme ; opinion qui, se retrouvant en même temps chez un si grand nombre de nations diverses, ne pouvait prendre naissance que dans un état social commun à toutes. N’étant pas attaché à un lieu plus qu’à un autre par la possession et la culture de la terre, errant une partie de l’année à la suite des bêtes sauvages, dont il cherchait à faire sa proie, l’Indien de l’Amérique du Nord ne pouvait point recueillir tranquillement le résultat des expériences individuelles, lier entre elles les conséquences de faits analogues et en faire un corps de principes et d’idées générales, en un mot créer ce qu’on appelle les sciences. Son genre de vie ne permettait point à un même homme de donner à aucune entreprise un grand degré de réflexion et de suite : il s’opposait à plus forte raison à ce que plusieurs générations s’occupassent des mêmes objets, et se transmissent les unes aux autres le résultat de leurs recherches. L’humanité était déjà vieille, l’homme était toujours jeune, et la civilisation n’avait pas plus de domicile fixe que le chasseur. Toutes les nations indiennes devaient donc présenter le spectacle de peuples encore peu avancés dans la voie du progrès intellectuel ; non parce qu’elles habitaient l’Amérique au lieu de l’Europe, ou parce qu’elles étaient rouges et non blanches ; mais par la raison que toutes avaient adopté un état social qui ne permet à la civilisation que de certains développements. Aucune des nations du continent de l’Amérique du Nord n’avait inventé l’écriture, quoique plusieurs eussent des hiéroglyphes qui, jusqu’à un certain point, pouvaient en tenir lieu.

« Ces Indiens, dit Beverley[1] (ceux de la Virginie), n’ont aucune sorte de lettres ; mais quand ils ont quelque chose à se communiquer, ils y emploient une espèce d’hiéroglyphes, ou de figures représentant des oiseaux, des bêtes, ou autres

  1. Histoire de la Virginie, par Beverley, de 1583 à 1700. V. p. 258.