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les autres pays de l’Union. Comme je traversais la Louisiane (1832), la législature venait de rendre un décret pour interdire tout achat de nègres dans les États limitrophes ; mais, en général, ces lois ne sont point exécutées. Souvent les législateurs sont les premiers à y contrevenir ; leur intérêt privé de propriétaire leur fait acheter des esclaves, dont ils ont défendu le commerce dans un intérêt général.

En résumé, quand on considère le mouvement intellectuel qui agite le monde ; la réprobation qui flétrit l’esclavage dans l’opinion de tous les peuples ; les conquêtes rapides qu’ont déjà faites, aux États-Unis, les idées de liberté sur la servitude des noirs ; les progrès de l’affranchissement qui, sans cesse, gagne du Nord au Sud ; la nécessité où seront tôt ou tard les États méridionaux de substituer le travail libre au travail des esclaves, sous peine d’être inférieurs aux États du Nord ; en présence de tous ces faits, il est impossible de ne pas prévoir une époque plus ou moins rapprochée, à laquelle l’esclavage disparaîtra tout-à-fait de l’Amérique du Nord.

Mais comment s’opérera cet affranchissement ? quels en seront les moyens et les conséquences ? quel sera le sort des maîtres et des affranchis ? c’est ce que personne n’ose déterminer à l’avance.

Il y a en Amérique un fait plus grave peut-être que l’esclavage ; c’est la race même des esclaves. La société américaine,avec ses nègres se trouve dans une situation toute différente des sociétés antiques qui eurent des esclaves. La couleur des esclaves américains change toutes les conséquences de l’affranchissement. L’affranchi blanc, n’avait presque plus rien de l’esclave. L’affranchi noir n’a presque rien de l’homme libre ; vainement les noirs reçoivent la liberté ; ils demeurent esclaves dans l’opinion. Les mœurs sont plus puissantes que les lois ; le nègre esclave passait pour un être inférieur ou dégradé ; la dégradation de l’esclave reste à l’affranchi. La couleur noire perpétue le souvenir de la servitude et semble former un obstacle éternel au mélange des deux races.

Ces préjugés et ces répugnances sont tels que dans les États du Nord les plus éclairés, l’antipathie qui sépare une race de l’autre, demeure toujours la même, et, ce qui est digne