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J’ai souvent entendu proposer ce moyen pour parvenir à l’affranchissement général ; mais ici combien d’obstacles se présentent ! D’abord le point de départ est vicieux ; en effet, les États-Unis n’ont, il est vrai, plus de dette publique à payer ; mais en même temps qu’ils se sont libérés, ils ont réduit considérablement l’impôt qui était la source de leurs revenus. Il est donc inexact de dire que le gouvernement fédéral reçoive annuellement quatre-vingt-cinq millions, qu’il pourrait appliquer au rachat des nègres.

Mais supposons qu’en effet cette somme est à sa disposition, et voyons s’il est possible d’espérer qu’il en fera l’usage qu’on propose.

Il y avait aux États-Unis, lors du dernier recensement de la population, fait en 1830, deux millions neuf mille esclaves ; or, en supposant qu’il faille réduire à cent dollars la valeur moyenne de chaque nègre, à raison des femmes, des enfants et des vieillards, le rachat fait à ce prix de deux millions neuf mille esclaves coûterait plus d’un milliard de francs.[1] À cette somme il faut ajouter le prix de deux cent mille esclaves au moins nés depuis 1830,[2] dont le rachat ajouterait une somme de cent onze millions de francs au milliard précédent.

En supposant que le gouvernement fédéral pût et voulût appliquer annuellement au rachat des nègres une somme annuelle de quatre-vingt-cinq millions, il ne pourrait, avec cette somme, racheter chaque année que cent soixante mille esclaves ; il faudrait donc l’application de la même somme au même objet pendant quatorze années pour racheter la totalité des esclaves existants aujourd’hui. Mais ce n’est pas tout. Ces deux millions neuf mille esclaves existant en ce moment se multiplient chaque jour, et, en supposant que leur accroissement annuel soit proportionné dans l’avenir à ce qu’il a été jusqu’à ce jour, il augmentera annuellement d’environ soixante mille : quarante-sept millions de francs seront donc absorbés chaque année, non pas pour

  1. 200,900,0OO dollars ou 1,064,770,000 fr.
  2. Je dis 200,000 au moins, car on peut voir à la table statistique que la population esclave dans toute l’Union s’accroît de 30 p. 100 tous les dix ans. Or, il s’est écoulé déjà quatre années depuis le recensement qui a constaté le nombre de 2,009,000.