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jusqu’à la mort exclusivement[1]. Ainsi voilà l’esclave livré à l’arbitraire du juge.

Mais il est un principe encore plus sacré que les précédents : c’est que nul ne peut se faire justice à soi-même, et que quiconque a été lésé par un crime doit s’adresser aux magistrats chargés par la loi de prononcer entre le plaignant et l’accusé.

Cette règle est violée formellement par les lois de la Caroline du Sud et de la Louisiane relatives aux esclaves. On trouve dans les lois de ces deux États une disposition qui confère au maître, le pouvoir discrétionnaire de punir ses esclaves, soit à coups de fouet, soit à coups de bâton, soit par l’emprisonnement[2] ; il apprécie le délit, condamne l’esclave et applique la peine : il est tout à la fois partie, juge et bourreau.

Telles sont et telles doivent être les lois de répression contre les esclaves. Ici les principes du droit commun seraient funestes, et les formes de la justice régulière impossibles. Faudra-t-il soumettre tous les méfaits du nègre à l’examen d’un juge ? mais la vie du maître, se consumerait en procès ; d’ailleurs la sentence d’un tribunal est quelquefois incertaine et toujours lente. Ne faut-il pas qu’un châtiment terrible et inévitable soit incessamment suspendu sur la tête de l’esclave, et frappe dans l’ombre le coupable, au risque d’atteindre l’innocent ?

La justice et les tribunaux sont donc presque toujours étrangers à la répression des délits de l’esclave ; tout se passe entre le maître, et ses nègres. Quand ceux-ci sont dociles, le maître jouit en paix de leurs labeurs et de leur abrutissement. Si les esclaves ne travaillent pas avec zèle, il les fouette comme des bêtes de somme. Ces peines fugitives ne sont point enregistrées dans les greffes des cours ; elles ne valent pas

  1. V. lois de la Caroline du Sud, vº Slaves, t. II, § 28 et 34. — Voici l’expression générale de ces lois : « Shall suffer such corporal punishment not extending to life or limb as the justices of the peace or the free-holders shall, in their discretion, think fit. » V. aussi Digeste de la Louisiane, loi de 1807, t. I, p. 238.
  2. V. lois de la Caroline, Brevard’s Digest, vº Slaves, § 45. — Et Digeste de la Louisiane, vº Code noir, § crimes et délits sect. 16, t. I.