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du maître est qu’on se montre inflexible en châtiant son nègre, celui de la société la pousse à l’indulgence. On ne voit le maître prompt à livrer son esclave que dans un seul cas ; c’est lorsque celui-ci est vieux et infirme ; il espère alors que la condamnation à mort du nègre invalide lui vaudra une indemnité équivalente au prix d’un bon nègre ; mais la société se tient en garde contre la fraude, et, pour ne point payer l’indemnité, elle acquitte le nègre. L’esclave, dont le malheur ne touche ni la société ni le maître, ne trouve de protection que dans un calcul de cupidité.

Ce qui précède explique cette singulière loi de la Louisiane, qui porte que la peine d’emprisonnement infligée à un esclave ne peut excéder huit jours, à moins qu’elle ne soit perpétuelle. « À l’exception, dit-elle, des cas où les esclaves doivent être condamnés à un emprisonnement perpétuel, les juris convoqués pour juger les crimes et délits des esclaves ne seront point autorisés à les emprisonner pour plus de huit jours. »[1]

L’intérêt de cette disposition est facile à saisir. L’emprisonnement temporaire, privant le maître du travail de ses nègres, et lui causant un préjudice sans compensation, est à ses yeux le pire de tous les châtiments. L’emprisonnement perpétuel enlève, il est vrai, au maître, la personne de son esclave ; mais en même temps la société lui en paie la prix.

On conçoit maintenant l’impossibilité d’infliger souvent aux esclaves la mort ou un long emprisonnement ; car ces châtiments répétés ruineraient le maître des nègres ou la société.

Il faut cependant des peines pour punir l’esclave… des peines sévères, dont on puisse faire usage tous les jours, à chaque instant. Où les trouver ?

Voilà comment la nécessité conduit à l’emploi des châtiments corporels, c’est-à-dire de ceux qui sont instantanés, qui s’appliquent sans aucune perte de temps, sans frais pour le maître ni pour la société, et qui, après avoir fait éprouver à l’esclave de cruelles souffrances, lui permettent de reprendre

  1. V. Digeste des lois de la Louisiane, loi du 19 mars 1816, § 6, t. I, p.246.