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soin ; l’asile de Marie ; le toit qui couvrirait de son ombre nos joies pures et mystérieuses… mais le Ciel n’ayant point voulu que mes desseins s’accomplissent, et que cette habitation contînt notre félicité, j’en ai fait un tombeau…

Quand nous transportâmes dans ce lieu des restes chéris, il fallut passer par de nouvelles angoisses et par de nouveaux brisements… j’ai bu tout entier le cilice d’amertume… j’ai vu la terre s’emparer peu à peu de sa proie, et, lorsque tout a été enlevé à mes regards, il m’a semblé que mon âme tombait dans une solitude encore plus profonde. O misère ! une vie de passions et d’orages qui aboutit à un sépulcre ! Est-ce donc là toute la destinée de l’homme ?… Je me précipitai la face contre terre, comme si mon cœur devait souffrir moins en se rapprochant de la tombe ! ! et je songeai que cette tombe renfermait une créature céleste qui, la veille, respirait pour moi seul, et aujourd’hui n’était plus rien sur la terre… Alors, prosterné sur le néant, j’adorai Dieu !

Tel fut le commencement d’un culte que j’ai, depuis ce temps, renouvelé chaque jour dans la cabane consacrée à ma douleur. « O ma bien-aimée, m’écriai-je, en terminant la prière du tombeau, tu ne me devanceras que de peu de jours dans le funèbre asile ! je le sens au vide de mon cœur, je n’ai plus les conditions de la vie ; je vous rejoindrai bientôt, âmes chéries, dont la mienne ne peut vivre détachée ; Marie, l’ange de mes jours, sans lequel il ne me reste plus qu’à errer ici-bas de misère en misère ; et toi, Georges, mon ami le plus cher, Georges, le plus noble des hommes, le plus tendre des frères, qui, fidèle, jusqu’à ta dernière heure, aux devoirs d’une amitié touchante, as précédé ta sœur dans le séjour des ombres, où maintenant vous êtes réunis…. ah ! ne pleurez point mon absence… bientôt je serai près de vous ; la mort cruelle a pu séparer nos corps, mais nos âmes s’uniront d’un lien qui ne se brisera jamais. »

Ainsi je disais : et je vis une nouvelle impression de douleur se peindre sur la figure de Nelson… « Quel est donc ce langage ? s’écria-t-il… Georges !… mon fils bien-aimé grands dieux ! le sacrifice serait-il complet ?… »

Ma douleur m’avait égaré : je révélai tout à Nelson ; et ne