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Mohawtan continua ainsi : « J’essayai de venger la mort d’un ami si cher ; mais j’étais seul contre une armée : il fallut fuir… À peine échappé au péril, je jetai un coup d’œil en arrière de moi ; je regardai le lieu où j’avais vu Georges la dernière fois… mais je ne distinguai plus rien. En ce moment, la lune montrait à l’horizon son disque d’un rouge de sang… je compris alors que c’était une nuit fatale…

« Le lendemain, je sus la honteuse inaction des nègres… Le gouverneur de la Caroline du Nord fit une proclamation pour annoncer le triomphe de la milice américaine sur les Indiens… il vantait en même temps la sagesse des nègres, et prescrivait des mesures sévères contre nous… Alors ce qui restait de notre tribu prit le parti de s’expatrier… Instruit de nos projets, le gouvernement des États-Unis s’empressa de les seconder ; car tout ce que ce pays voulait, c’étaient nos terres. Il chargea même un agent de nous aider dans notre retraite. Suivant la même route que les premiers émigrants de notre tribu, nous nous sommes rendus d’abord à Pittsburg, puis à Buffaloe ; là, on nous a dit le séjour qu’avaient fait dans cette ville nos compatriotes, leur rencontre avec Nelson, l’embarquement de celui-ci avec eux pour le Michigan.

« À Détroit, nous avons appris leur départ pour Saginaw, en remontant le cours du fleuve. Désirant arriver au même but, nous voulions, pour y parvenir, suivre la même voie ; mais on nous a dit que la navigation dans ces parages peu connus serait lente et difficile. Nous avons gagné Saginaw par terre.

« Ami, dit encore Mohawtan en me prenant la main, ne crains rien de ma tribu… la fille de Nelson est ici… quels secours lui sont nécessaires ? Parle, commande… chacun de nous t’obéira… »

Ce récit m’avait jeté dans un trouble que je ne pourrais exprimer. Georges, le frère de Marie, Georges, mon ami le plus cher, n’était plus !

« Tiens, me dit Mohawtan, voici ce que Georges m’a confié à sa dernière heure. » L’Indien me remit un papier qui portait l’adresse de Nelson.