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Mais, mon amie, je demande encore au ciel une chose qui m’est plus chère que tous les biens de ce monde : c’est la fin de tes souffrances… Nous ne savons point le remède qui peut te guérir ; le secours d’un médecin nous est nécessaire ; je vais aller le chercher à Détroit ; j’y arriverai dans deux jours, et, deux jours après, je serai de retour ici, ramenant avec moi l’homme dont la science te sauvera. Pendant mon absence, notre fidèle Ovasco demeurera près de toi ; quoique souffrant lui-même, il retrouvera des forces pour donner des soins à sa bonne maîtresse. »

Ovasco, qui était là, ne put entendre ces paroles sans attendrissement ; Marie m’écoutait avec tous les signes d’une émotion profonde… elle resta silencieuse, parut réfléchir beaucoup ; enfin d’une voix altérée :

« Mon ami, me dit-elle, ne me quitte pas… je t’en conjure… quatre jours d’absence… c’est bien long !… non… Ludovic… non… il faut rester… »

Et son regard, fixé sur moi, prit une expression indicible de tendresse et de mélancolie.

Je tentai de lui faire comprendre combien il serait insensé de céder à un mouvement de faiblesse qui ruinerait notre avenir, tandis qu’un sacrifice de quelques jours assurerait notre bonheur.

Mais je trouvai en elle une résistance d’instinct contre laquelle ma raison était sans puissance.

« Mon bien-aimé, me disait-elle, je t’en supplie, ne m’abandonne pas ; tu sais combien est fragile la liane séparée du rameau qui la protège… Ludovic, loin de toi, je serai plus faible encore… ta présence seule me soutient… si tu t’éloignes, je me briserai… »

L’accent dont elle prononça ces paroles était déchirant.

Troublé par ce langage d’autant plus désolant qu’il avait toute l’amertume du désespoir, sans la violence qui l’exagère, je tombai à genoux au chevet du lit de Marie… incapable d’articuler un seul mot, je saisis la main de mon amie, et l’arrosai d’un torrent de larmes ; jamais la douleur n’avait ainsi abondé dans mon âme.

Quand cet orage fut passé, je relevai mon front abattu…