Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

droit à votre respect. Votre union fut bénie par un ministre de votre culte ; mais la religion catholique n’est point celle de Marie ; vous savez d’ailleurs quelle catastrophe affreuse est venu, jusque dans le temple saint, troubler l’acte solennel près de se consommer. Adieu, mon fils, soyez pour Marie un père jusqu’au jour où je vous nommerai son époux. » Nelson put juger par mon émotion profonde que le souvenir de ses conseils ne sortirait point de mon cœur.

Un instant après, nous vîmes s’éloigner le bâtiment qui portait Nelson et les Indiens… et nous demeurâmes seuls, Marie et moi, au milieu des grands lacs de l’Amérique, entre un monde quitté sans regrets et un désert plein d’espérance.



LA FORET VIERGE ET LE DESERT.

Chose étrange ! le départ de Nelson m’avait affligé vivement. Ses paroles sages, son adieu touchant, reposaient dans mon cœur. Cependant, l’avouerai-je, après son départ, demeuré seul avec Marie, je me trouvai plus heureux. J’atteste le ciel que mon âme était pure de toute coupable espérance. Mais, à partir de ce moment, Marie n’avait plus d’autre protecteur que moi, je serais auprès d’elle le seul être qu’elle aimât ; mon cœur se réjouissait aussi de n’être plus distrait par aucune amitié. Tel est l’amour, le plus généreux et le plus égoïste de tous les sentiments.

L’état de Marie n’avait rien d’alarmant ; aidé d’Ovasco, je l’entourai de mille soins qui n’étaient point nécessaires. C’était seulement du calme et du repos qu’il lui fallait. Une navigation de deux jours sur le lac Erié, dont les eaux se soulèvent comme les vagues de la mer, le bruit continu de la vapeur, qui tantôt gronde sourdement, tantôt s’échappe en cris perçans ; ce mouvement et ce tumulte perpétuel de la vie de vaisseau avaient accablé Marie et porté à ses nerfs un