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le fer les tribus sauvages de l’Ouest : on se trompe, nous nous servons d’un moyen de destruction aussi sûr et moins dangereux pour celui qui l’emploie. En échange de riches fourrures de martres et de castors, nous leur donnons de l’eau-de-vie de peu de valeur ; l’Indien grossier abuse tellement de cette boisson, qu’il en meurt. Ce commerce enrichit l’Américain et tue son ennemi. Des voix courageuses se sont élevées parmi nous pour flétrir cet infâme trafic, mais en vain : l’intérêt sordide fascine les yeux du plus grand nombre.

« Il en est qui, pour se justifier d’un attentat, accusent la victime. Les Américains reprochent aux Indiens d’être vils et dégradés. Peut-être le sont-ils ; mais l’étaient-ils avant de nous connaître ? Quand nos pères abordèrent au milieu d’eux, ces sauvages leur firent voir un caractère qui n’était pas sans grandeur, une dignité naturelle et vraie, autant d’énergie morale que de force musculaire. Ces vertus leur manquent aujourd’hui : qui les en a dépouillés ? Alors, ils ignoraient l’ivrognerie, la débauche, la misère qui mendie, les passions cupides qu’engendre le droit de propriété ; tous ces vices ont pris possession de leur race : d’où leur sont-ils venus ?

« Je sais, ajoutait Nelson, combien il est difficile de polir leurs mœurs, de changer leurs coutumes barbares, de les plier au double joug de la vie sédentaire et de la vie agricole, premiers éléments de toute civilisation. L’obstacle vient de leur fol amour pour la liberté sauvage.

« Mais cet obstacle, qu’avons-nous fait pour le vaincre ? travaillons-nous à les policer ou à les avilir ? et si leur dégradation est notre ouvrage, trouverons-nous dans cet abaissement l’excuse de nos violences ?

« Les Indiens étaient puissants sur cette terre, quand une poignée de proscrits vint demander un asile à leurs forêts ; , ils furent hospitaliers et bons. Maintenant on leur dit : « Retirez-vous ; vous ne valez pas le sol qui vous porte et que vous ne savez point féconder ; allez vivre ou mourir plus loin. Ce langage n’est point selon l’esprit de Dieu. Si les Indiens refusent d’apprendre les arts utiles qui font le bien-être de cette vie, enseignons-leur la religion, source