Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

joie religieuse et paisible se peignait sur la physionomie de Nelson ; et, quand John Mulon et James Williams nous annoncèrent que l’heure était venue d’aller à l’église pour la cérémonie, je me sentis pénétré d’une sainte et douce émotion.

Cependant, à l’instant où nos âmes tranquilles se remplissaient des espérances du bonheur, de grands troubles se préparaient dans New-York, et un orage terrible était près de fondre sur nos têtes. *

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Il existe à New-York, comme dans toutes les villes du Nord des États-Unis, deux partis bien distincts parmi les amis de la race noire.

Les uns, jugeant l’esclavage mauvais pour leur pays, et peut-être aussi le condamnant comme contraire à la religion chrétienne, demandent l’affranchissement de la population noire ; mais, pleins des préjugés de leur race, ils ne considèrent point les nègres affranchis comme les égaux des blancs ; ils voudraient donc qu’on déportât les gens de couleur, à mesure qu’on leur donne la liberté ; et ils les tiennent dans un état d’abaissement et d’infériorité aussi long-temps que ceux-ci demeurent parmi les Américains. Un grand nombre de ces amis des nègres ne sont contraires à l’esclavage que par amour-propre national ; il leur est pénible de recevoir sur ce point le blâme des étrangers, et d’entendre dire que l’esclavage est un reste de barbarie. Quelques-uns attaquent le mal par la seule raison qu’ils souffrent de le voir : ceux-là, en opérant l’affranchissement, font peu de chose : ils détruisent l’esclavage, et ne donnent pas la liberté ; ils se délivrent d’un chagrin, d’une gêne, d’une souffrance de vanité, mais ils ne guérissent point la plaie d’autrui ; ils ont travaillé pour eux, et non pour l’esclave. Chargé de ses fers, celui-ci est repoussé de la société libre.

Les autres partisans des nègres sont ceux qui les aiment sincèrement, comme un chrétien aime ses frères, qui non-seulement désirent l’abolition de l’esclavage, mais encore reçoivent dans leur sein les affranchis, et les traitent comme leurs égaux.

Ces amis zélés de la population noire sont rares ; mais leur ardeur est infatigable ; elle fut long-temps à peu près stérile ;