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poète et l’inspiration de l’écrivain, qu’échauffent les sympathies, se glacent dans l’indifférence et la froideur.

XXII.

« Tout le monde étant industriel, la première parmi les professions est celle qui fait gagner le plus d’argent. Le métier d’auteur, étant le moins lucratif, est au-dessous de tous les autres. Dites à un Américain que l’illustration des lettres est plus belle à poursuivre que la fortune, il vous accordera ce sourire de pitié qu’on donne aux discours d’un insensé… Exaltez en sa présence la gloire d’Homère, celle du Tasse : il vous répondra qu’Homère et le Tasse moururent pauvres. Arrière le génie qui ne donne point la richesse !

XXIII.

« En Amérique, on n’estime des sciences que leur application. On étudie les arts utiles, mais non les beaux-arts.

« L’Allemagne, la France, inventent des théories ; aux États-Unis on les met en pratique ; ici on ne rêve point, on agit. Tout le monde aspire au même but, le bien-être matériel ; et comme c’est l’argent qui en est la source, c’est l’argent seul qu’on poursuit.

XXIV.

« Lorsque dans ce pays on fait de la littérature, c’est encore de l’industrie. Il n’existe là ni école classique, ni romantique. On ne connaît que l’école commerciale, celle des écrivains qui rédigent des gazettes, des pamphlets, des annonces, et qui vendent des idées, comme un autre vend des étoffes. Leur cabinet est un comptoir, leur esprit une denrée ; chaque article a son tarif ; ils vous diront au juste ce que coûte un enthousiasme imprimé.

XXV.

« Ces marchands intellectuels vivent entre eux dans de fort bons rapports. L’un soutient les principes politiques