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dans les contrées à priviléges, que la démocratie envahit. Le triomphe du peuple y présente tous les caractères d’une vengeance, et le puissant qui succombe ne tomberait pas dignement, s’il ne gardait toute sa morgue aristocratique.

On ne rencontre aux États-Unis ni la hauteur d’une classe, ni la colère de l’autre.

Ce n’est pas que les Américains aient des mœurs polies : le plus grand nombre ne montrent dans leurs manières ni élégance, ni distinction ; mais leur grossièreté n’est jamais intentionnelle ; elle ne tient pas à l’orgueil, mais au vice de l’éducation. * Aussi nul n’est moins susceptible qu’un Américain ; il ne pense jamais qu’on veuille l’offenser.

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Quand le Français est grossier, c’est qu’il le veut : l’Américain serait toujours poli, s’il savait l’être.

Je trouvais, je vous l’avoue, un charme extrême dans ces rapports d’égalité parfaite. Il est si triste, en Europe, de courir incessamment le danger de se classer trop haut ou trop bas ; de se heurter au dédain des uns ou à l’envie des autres ! Ici, chacun est sûr de prendre la place qui lui est propre ; l’échelle sociale n’a qu’un degré, l’égalité universelle. **

[Note de l’auteur. ** Réf. ]

Il y a cependant, aux États-Unis, des riches et des pauvres, mais en petit nombre ; et par la nature des institutions politiques, les premiers ont tellement besoin des seconds, que, s’il existe une prééminence, ou ne sait de quel côté elle se trouve. Le riche fait travailler le pauvre dans ses manufactures ; mais le pauvre donne son suffrage au riche dans les élections…

Il est certain que les masses, placées entre ces deux extrêmes (le riche et le pauvre), se modèlent plutôt sur le second que sur le premier.

Je me rappelle d’avoir vu M. Henri Clay, redoutable antagoniste du général Jackson pour la présidence des États-Unis, parcourir le pays avec un vieux chapeau et un habit troué. Il faisait sa cour au peuple.

Chaque régime a ses travers, et tout souverain ses caprices. Pour plaire à Louis XIV, il fallait être poli jusqu’à l’étiquette ; pour plaire au peuple américain, il faut être simple jusqu’à la grossièreté.

En Angleterre, où la naissance et la richesse sont tout, les