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dans un âge encore tendre, à une jeune fille nommée Onéda. Celle-ci, remarquable par la beauté de ses traits, l’était plus encore par la bonté de son cœur ; rien n’égalait sa tendresse pour son époux, qui lui-même la chérissait, et n’aimait qu’elle seule, malgré l’usage où sont les Indiens de prendre plusieurs femmes. *

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Quelques années s’écoulèrent durant lesquelles rien ne troubla le cours de cette union fortunée ; jamais la vie sauvage n’avait rendu deux êtres plus heureux qu’Onéda et Mantéo.

Mantéo était renommé dans sa tribu comme chasseur habile et intrépide guerrier ; il n’était pas une jeune Indienne qui ne vît d’un œil jaloux le bonheur d’Onéda, et pas une mère qui n’ambitionnât pour sa fille un protecteur tel que Mantéo. Celles qui pouvaient prétendre à cette alliance lui représentèrent qu’un grand avenir lui était destiné ; que la tribu des Ottawas était sur le point de l’élire pour chef ; mais que son attachement exclusif pour Onéda mettait un obstacle à sa fortune ; un guerrier aussi puissant que lui, disaient-elles, avait besoin de plusieurs femmes pour traiter dignement les hôtes nombreux attirés par sa renommée.

Ces discours ayant gonflé son orgueil et enflammé son ambition, il contracta un nouveau mariage avec la fille d’un chef indien ; mais d’abord il n’avoua point cette union à Onéda, dont il redoutait les justes reproches ; seulement, pour préparer celle-ci à son malheur, il lui annonça un jour son intention de prendre une seconde femme : il avait, disait-il, conçu ce projet dans l’intérêt seul d’Onéda, que le fardeau du ménage accablait, et dont la faiblesse avait besoin de secours. Onéda reçut cette déclaration avec toutes les marques de la plus vive douleur ; elle employa, pour combattre le projet de Mantéo, des termes si touchans, et en même temps si énergiques, que celui-ci vit bien qu’il n’obtiendrait jamais d’elle aucune concession.

Alors, déchirant le voile qui cachait une partie de la vérité aux yeux d’Onéda, Mantéo lui déclara que toute résistance de sa part serait vaine ; qu’il avait depuis long-temps fixé son choix, et que, le lendemain même, il amènerait dans sa demeure sa nouvelle épouse. En entendant ces paroles, Onéda fut frappée de stupeur… — Vous allez, dit-elle à Mantéo,