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ce n’est pas une femme : c’est un ange. Nulle créature humaine n’est l’égale de Marie. Marie est belle ; et tant de modestie décore sa beauté ! elle est brillante ; et la nature mêle tant de grâces à ses talents pour les rendre aimables ! elle est infortunée ; et un si doux parfum de mélancolie s’exhale des pleurs qu’elle répand ! »

S’il se trouvait des âmes insensibles à ma voix, je voudrais, ranimant le ciseau de Phidias, exposer à tous les yeux les traits charmants de mon amie, et je dirais : « Regardez cette tête chérie, son front n’est-il pas celui d’une vierge candide et pure ? quelle tache déshonore sa beauté ? où trouver la souillure que vous lui reprochez ? Ce marbre éblouit vos regards ; mais le visage de Marie le surpasse encore en blancheur ! »

Et le monde, entraîné par mes chants, irait se prosterner au pied de mon idole !

Tel fut mon projet ; c’était une pensée hardie, mais elle était généreuse et belle ! quel admirable but à poursuivre ! quelle gloire dans le succès ! quel prix dans la récompense ! Il me fallait, pour être heureux, devenir un artiste célèbre, oui un poète illustre ! le génie était pour moi la condition du bonheur ! Marie serait honorée parmi les femmes, si je devenais grand parmi les hommes ! mon cœur bondissait à cet appât sublime, impatient qu’il était de porter à mon esprit les nobles inspirations que la tête seule ne donne pas.

Hélas ! pourquoi vous entretiendrai-je plus long-temps d’un projet qui fut une nouvelle illusion de ma vie, et qu’il me fallut abandonner, avant même de l’avoir entrepris ? mon erreur fut peut-être excusable ; ne m’était-il pas permis de croire que je trouverais en Amérique le goût des belles-lettres et des beaux-arts ?

Ces grandes forêts à la porte des cités ; ces solitudes profondes, éternelles, où réside encore le génie des premiers âges ; ces Indiens simples d’esprit, mais forts par le cœur ; sujets à de grandes misères, mais heureux de leur liberté sauvage ; ce beau ciel, ces fleuves gigantesques, ces torrents, ces cataractes, cette terre enfermée dans deux océans, ces grands lacs, qui sont encore des mers : toute cette poésie de la nature