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Georges ne m’offrait pas un confident vulgaire : ce titre de frère de la femme que, j’aimais donnait à mon amitié pour lui tous les charmes d’un sentiment plus tendre ; il y avait dans son âme un peu de l’âme de Marie… celle que ……. et, dans sa confiance naïve, il aimait d’avance en moi l’époux de sa sœur.

Tout en nous épanchant ainsi l’un dans l’autre, nous allions où le hasard conduisait nos pas, et nous vînmes à passer près du théâtre de New-York. La foule s’agitait à l’entour, nous nous approchâmes, et j’y entendis quelques voix prononcer ces mots : Napoléon à Schoenbrunn et à Sainte-Hélène. C’était l’annonce de ce spectacle qui peuplait les abords du théâtre, ordinairement déserts, et arrachait les Américains à leur indifférence accoutumée.

Le nom de Napoléon est grand dans tous les mondes ! il n’est point de contrée si lointaine qui n’ait reçu le reflet de sa gloire ; point de sol si ferme qui n’ait tremblé de sa chute. Le Français peut voyager par tout pays sans craindre le mépris et l’injure ; il trouve partout bon visage d’hôte ; l’honneur du nom français est toujours là pour le recevoir.

L’Américain de la Louisiane et l’Anglais du Canada n’avouent point la France malheureuse et abaissée ; mais, quand vous leur parlez de Napoléon, ils se rappellent tout d’un coup que leurs aïeux étaient Français.

J’entraînai Georges au théâtre, attiré moi-même bien moins par un intérêt d’amusement que par un instinct d’orgueil national. Hélas ! j’étais loin de prévoir que cette soirée terminerait amèrement un jour qui n’avait pas été sans douceur.

Je jouissais vivement d’un spectacle qu’un an auparavant j’avais vu en France. Le costume, le geste, la parole brève, et le silence de l’homme du siècle, étaient aussi puissants sur l’assemblée américaine que sur une réunion de Français ; le nom de Napoléon était, à vrai dire, toute la pièce ; car le plus grand nombre des spectateurs ne comprenait pas un mot de notre langue. Cependant l’enthousiasme était général : la liberté applaudissait la gloire.

Je sentais enfin arriver jusqu’au fond de mon âme une impression de bonheur, lorsque mon oreille est subitement