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leur grossière simplicité, croyaient avoir assuré le succès de leur bon droit en disant : « Nous voulons mourir dans nos savanes parce que nous y sommes nés ; toute l’Amérique était à nos pères, nous n’en avons plus qu’une parcelle : laissez-nous-la. Vous nous reprochez notre ignorance et le peu de fruits que nous tirons d’une terre féconde ; mais que vous importe ? nous ne savons point comme vous bâtir des villes, cultiver les champs ; et nous n’ambitionnons point votre industrie ; nous préférons à vos cités, à vos campagnes, nos forêts incultes qui nous donnent du gibier pour vivre et des voûtes de verdure pour nous abriter, et puis nous ne pouvons les quitter parce qu’elles contiennent les ossements de nos pères. »

Ainsi parlait Mohawtan, chef indien, fameux par sa sagesse dans les conseils et sa valeur dans les combats ; l’Américain de la Géorgie écoutait ces paroles sans les comprendre, parce que c’était la voix du cœur ; il leur répondait :

— « Pourquoi demeurer dans ces forêts, si nous vous en donnons d’autres meilleures ? allez plus loin, par-delà le Mississipi, dans le territoire d’Arkansas, ou dans le Michigan voisin des grands lacs ; là vous trouverez de frais ombrages, de vastes prairies, des forêts pleines de daims et de bisons : le mot de patrie n’a point de sens quand la terre d’exil vaut mieux que le pays natal. »

Les Indiens ne comprenaient rien à ce langage, parce que c’était la voix de la corruption.

Le gouvernement de la Géorgie, digne expression des passions cupides des particuliers, employa d’abord tous les moyens de l’astuce et de la mauvaise foi pour obtenir des Indiens une retraite volontaire. Il leur représentait que la contrée nouvelle où ils émigreraient leur serait livrée à perpétuité ; il offrait de leur donner de l’or pour les terres qu’ils délaisseraient, et, afin de les tenter davantage, il promettait de les payer avec de l’eau-de-vie.

Cependant le chef indien avait le bon sens de répondre : « Nous imiterons l’exemple de nos pères qui n’ont point reculé devant les hommes blancs. Lorsque ceux-ci dressèrent leur hutte auprès de nos forêts, ils s’engagèrent à ne point nous y troubler ; d’où vient donc qu’on nous demande aujourd’