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sonné celles qui ont échappé à la vigilance du chat, et aux pièges des maîtres. Mais je sens que je m’affaiblis. Adieu, mes chers enfans ; redoutez le funeste cabinet, où la mort est cachée sous des douceurs perfides ; je meurs contente, et j’espère que vous serez dociles à mes conseils ».

À peine cette sage souris eut-elle rendu les derniers soupirs, que sa jeune et sémillante famille se félicita d’être débarrassée de la contrainte où cette vieille radoteuse l’avait assujettie : on se moqua de ses conseils ; on traita sa sobriété d’avarice, sa circonspection de lâcheté. On trouva le chemin du cabinet : trois murailles de papier, placées pour la sûreté d’un pot de confiture, furent rompues. On se félicitait déjà d’avoir échappé aux périls dont on avait été menacé ; la joie fut courte : un chat, deux souricières furent placées dans le cabinet, et, avant la fin de la semaine, il ne resta pas une souris, de celles qui avaient méprisé l’expérience