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soins : les servantes de cuisine étaient réduites le matin au triste bouillon de gruau, et ne devaient point avoir de thé ; mais madame prenait le sien si fort, et le renouvelait si souvent, que ces pauvres filles pouvaient encore en tirer une décoction honnête. L’endroit où elle serrait le sucre n’était pas inaccessible, et, quand elle s’apercevait qu’on en avait volé, elle disait en riant : il faut bien que tout le monde vive. Elle poussait sa complaisance, jusqu’à permettre à tout le monde de prendre le thé avec de la crème ; il est vrai qu’on n’osait en mettre une si grande quantité sur le mémoire, de crainte que quelque jour il ne prît fantaisie à Milady de le lire ; mais on comptait huit quartes de lait au lieu de quatre, et, par ce moyen, tout se trouvait compensé. Je ne finirais pas, si je voulais faire le récit du dégât prodigieux qui se faisait par cette femme ou par ses complaisantes ; mais, par une modération bien rare dans une vieille qui parle du tems passé, je me