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tage : ce qui nous procurait l’abondance et la sûreté. Nous dédaignions les restes de la seconde table, parce que nous pouvions nous nourrir des morceaux les plus délicats qu’on laissait traîner. Deux gros chats, gardiens de la cuisine, nous laissaient en pleine liberté, et passaient dans un doux sommeil les intervalles de leurs abondans repas. Je pourrais vous raconter mille anecdotes dont je fus témoin dans mon enfance : la chambre de la femme de charge avait été mon berceau, et c’était dans ce palais souterrain, qu’elle recevait les hommages de ses subalternes, le plus souvent avec une hauteur désespérante ; d’autres fois elle daignait s’humaniser, et payait d’un coup-d’œil gracieux leurs adorations ; mais elle les en récompensait presque toujours : c’était bien la meilleure créature du monde, à cela près de son impertinence. Elle voulait que le visage des domestiques annonçat l’opulence de leur maîtresse, et se prêtait avec humanité à leurs petits be-