Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(70)

comme moi, à l’âge le plus avancé. Pour exciter votre obéissance, je veux vous faire l’histoire de ma vie.

» Je suis née dans la maison que nous habitons aujourd’hui ; mais j’y ai vu arriver de grands changemens. Au tems où je pris naissance, elle était habitée par une jeune dame anglaise extrêmement riche. Oh ! mes enfans, la maison de cette dame était un pays de Cocagne, un vrai Pérou pour les pauvres souris. Elle tenait table ouverte, et avait quarante domestiques. Vous sentez qu’ayant un si grand nombre de gens pour la servir, elle ne se donnait pas la peine de veiller sur sa maison. Une femme de charge, un maître d’hôtel, un gros cuisinier étaient chargés d’acheter et de ménager les provisions, et Dieu sait comme ils s’en acquittaient ! Ces trois personnes tiraient un revenu des marchands qui fournissaient la maison, et elles étaient par conséquent intéressées à augmenter la dépense. On mangeait beaucoup ; on perdait davan-