Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(57)

la délicatesse. Est-ce donc là le bonheur, se demandait-elle quelquefois ? Que deviendrais-je si le chevalier cessait de m’aimer ? et pourrai-je être heureuse, tant que j’aurai cette crainte ? Elle confia ses inquiétudes à une dame de ses amies, et elle lui fit part du projet qu’elle avait formé pour éclaircir ses doutes.

Elle feignit que des affaires indispensables l’obligeaient à faire un voyage à Lyon, et promit au chevalier de l’épouser lorsqu’elle serait de retour. Il parut si inconsolable lorsqu’il la quitta, qu’elle se reprocha les soupçons qu’elle avait eus de sa constance, et fut sur le point de les lui avouer. Son amie l’en empêcha : elle se détermina, par ses conseils, à pousser jusqu’au bout l’épreuve qu’elle voulait faire. La marquise avait une femme-de-chambre qui avait de l’esprit, et qui lui était affectionnée ; elle l’envoya à Lyon, et lui commanda de faire réponse aux lettres du chevalier, qui pouvait être aisément trompé, parce qu’il n’avait jamais