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je suis fort trompée, ou je lui ai inspiré les mêmes sentimens pour moi, que ceux que je sens pour lui.

La marquise ne fut pas long-tems dans l’incertitude ; le chevalier lui avait demandé la permission de la voir ; il se présenta chez elle aussitôt que la bienséance le lui permit, et, quoiqu’il n’osât lui dire qu’il l’aimait, il le lui montra si bien qu’elle en fut assurée. Cette découverte donna beaucoup de joie à la marquise. Le chevalier était un homme de grande qualité, et, comme elle avait assez de bien pour elle et pour lui, elle se faisait un plaisir délicat de faire sa fortune. Cependant, quoiqu’elle sentît qu’elle l’aimait beaucoup, elle résolut de ne rien précipiter. On se marie pour toute sa vie, disait-elle : ainsi il est de la dernière conséquence de bien connaître la personne qu’on épouse. Le chevalier est aimable, mais cela ne suffit pas ; il a peut-être des défauts dans le caractère ; il faut me donner le tems de l’examiner. Elle