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traite un homme si aimable. Marianne n’avait pas la plus petite idée de l’amour, et elle crut que ce n’était qu’une compassion généreuse qui l’intéressait pour lui. Le chevalier, de son côté, avait été frappé à la vue de la marquise ; on joua, et il fit si bien qu’il fut de sa partie. Il était trop occupé de ses charmes pour faire attention à son jeu ; il fit les plus grandes fautes, perdit tout ce qu’il joua. Il montra tant d’indifférence pour sa perte, que la marquise en conçut bonne opinion de son caractère ; car on dit que c’est au jeu qu’on connaît les hommes. D’ailleurs, elle s’aperçut fort bien que c’était elle qui causait ses distractions, et elle en sentait un plaisir qu’elle ne savait à quoi attribuer. Lorsqu’elle fut retirée chez elle, et qu’elle examina son cœur, elle s’aperçut qu’il était tout changé : l’idée du chevalier en avait banni l’ennui ; et il n’était agité que du desir de le revoir. Ne serait-ce pas que je l’aimerais, dit-elle ? Je crois que oui, et