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selon elle, était une fureur contraire à l’humanité, puisqu’on ne pouvait s’y réjouir que des pertes des autres. Est-ce donc là ce bonheur que j’ai tant souhaité, disait-elle ? mon cœur est-il content ? Non, sans doute, il est fatigué de tout ce-ci ; il en sera bientôt tout-à-fait dégoûté. La marquise avait deviné ; les plaisirs lui devinrent insupportables parce qu’ils ne lui donnaient pas le bonheur, après lequel elle courait. Un jour qu’elle était dans une assemblée où elle s’ennuyait beaucoup, elle vit entrer un cavalier extrêmement aimable. Le cœur lui battit sans savoir pourquoi, lorsqu’elle vit ce cavalier ; elle demanda avec empressement à la maîtresse de la maison, qui il était. Cette dame lui apprit que c’était un cadet d’une grande maison, qui, n’ayant pas de fortune, s’était fait chevalier de Malte, où il devait aller bientôt pour faire ses vœux. Ce serait bien dommage, dit la marquise en elle-même ; la fortune est bien aveugle, d’avoir mal-