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beaucoup, et elle la tourmentait à mesure qu’elle l’aimait. La pauvre enfant était obligée de cacher perpétuellement ses goûts ; car sa mère se croyait obligée en conscience de la contrarier depuis le matin jusqu’au soir. Elle ne lui permettait aucun amusement, et Marianne, pour se désennuyer, s’amusait à les souhaiter avec fureur. Lorsqu’elle eut quinze ans, sa mère lui déclara qu’elle allait la marier à un homme fort riche ; il est vrai, dit-elle, qu’il n’est pas jeune ; mais c’est un homme d’une piété éminente ; à votre âge, on a besoin d’un guide plutôt que d’un mari, et le marquis auquel je vous ai promise, vivant dans la retraite, aura tout le tems de vous prémunir contre les dangers du grand monde. Marianne, accoutumée à obéir sans réplique, fit une profonde révérence ; et le lendemain on lui présenta son époux qui, à la vérité, n’avait que soixante ans ; mais qui avait plus de gouttes, de rhumes et de mauvaise humeur, que s’il eût eu cent ans