Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(36)

long-tems. Il est vrai que je veux tenir la chose secrète. Chacune de mes nièces croit être mon héritière, et, par cet espoir, elles me sont soumises, et ont mille complaisances pour moi, dont je me moque, parce que je connais leur intention. Elles seront bien attrapées à ma mort ; je souhaiterais de ressusciter seulement pour vingt-quatre heures, afin de pouvoir me divertir de la grimace qu’elles feront.

Hélas ! dit Éliante, je vous sais bon gré, ma chère tante, de vous être attachée à Émilie ; je vous assure qu’elle le mérite dans le fond, quoiqu’elle soit fort impertinente. Ses vices ont été nourris par toutes ces pécores que vous voyez ici ; ce sont elles qui m’ont brouillée avec cette chère sœur que j’aime plus que ma vie. Je l’aurais donnée de bon cœur pour sauver la sienne, quoiqu’elle m’eût donné la moitié de son bien. J’y renonce de bon cœur, et je sacrifierais même le peu que je possède, pour qu’elle pût payer mon attachement de son amitié ; mais j’aurais beau faire,