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habit, dit à Émilie : ma nièce, il me semble que le tems est couvert, et qu’il fait un vent qui a rafraichi l’air : ce vent nous étouffera de poussière dans la chaise, puisque nos chevaux sont prêts, ne ferions-nous pas mieux de nous en servir ? De tout mon cœur, dit Émilie, qui n’en pouvait plus d’impatience, mais qui se contraignit si bien que sa tante n’en vit rien.

Pendant le voyage, Émilie comparait la paix, la joie, la tranquillité dont elle jouissait, avec la peine qu’elle avait eue à se réprimer, et elle n’y trouvait nulle comparaison. J’ai été bien dupe jusqu’à présent, disait-elle en elle-même ; je faisais consister mon bonheur à voir tout ce qui m’environnait se plier à mes goûts : je sens qu’il y a beaucoup plus de satisfaction à sacrifier quelque chose pour les autres. On est heureux de leur bonheur, et ce sont deux plaisirs au lieu d’un.

Émilie, arrivée à la campagne, soutint courageusement la résolution qu’elle