Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(28)

étant fait dès l’année précédente, était déjà un peu sale ; il parut horrible à côté de celui d’Émilie ; et la bonne femme en eut tant de dépit, qu’elle était prête à en pleurer ; et, comme elle ne pouvait se résoudre à sortir avec cet habit là, elle dit à Émilie : en vérité, ma chère nièce, il fait une chaleur insupportable ; il n’y a pas moyen d’aller à cheval, le soleil me donnerait un grand mal de tête ; ainsi, je vais me déshabiller, et j’irai dans ma chaise de poste.

Émilie conçut fort bien la véritable raison du changement de sa tante, et la Raison lui dit : pourquoi donnerais-tu du chagrin à cette pauvre femme ? Il est vrai qu’elle est une sotte d’être jalouse de ton habit ; mais n’es-tu pas plus sotte qu’elle d’avoir obligé plusieurs hommes à travailler toute la nuit pour satisfaire la fantaisie que tu avais de l’avoir. L’intérêt les a forcés à faire le sacrifice de leur sommeil à ton caprice : la vertu ne pourra-t-elle pas t’obliger a sacrifier ton habit