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arrache l’estime de ceux même qui s’obstinent à lui refuser de l’amour. La Noix se trouva bientôt partagé entre deux objets qui l’attachaient presqu’également. Ce n’est pas qu’il eût cessé d’aimer Marianne ; mais il commençait à gémir sincèrement de la tyrannie d’une passion, qui le mettait dans la cruelle alternative d’être malheureux ou criminel : il ne démêlait pas encore la nature de ses sentimens pour son épouse ; la jalousie l’éclaira. Par une bizarrerie, que ceux qui ne connaissent pas les caprices du cœur auront peine à comprendre, il devint jaloux.

L’amant de son épouse était revenu à Auxerre. Dans ces petites villes, tout le monde se connaît, et il se présente à tous momens des occasions de se trouver ensemble. La Noix, qui avait souhaité plusieurs fois le retour de cet homme qu’il croyait seul capable d’arrêter les progrès qu’il craignait de faire dans le cœur de son épouse, se trouva embarrassé, lorsqu’il se trouva avec lui, et qu’il se vit