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affreuse mélancolie : elle respecta sa douleur ; et, sous prétexte de son indisposition, elle prit un lit séparé, et ne s’appliqua qu’à lui faire connaître sa tendresse par une complaisance sans bornes. Cette jeune femme était dans une situation d’autant plus pénible, qu’elle s’était attachée à son époux, et était venue au point de l’aimer uniquement.

L’amour opère des effets dissemblables, et toujours proportionnés aux dispositions des cœurs qu’il occupe. Chez une ame commune, qui se fût trouvée dans la situation de madame de la Noix, il eût produit la jalousie, la mauvaise humeur, les reproches ; mais, chez cette digne femme, il ne fit naître qu’une compassion tendre pour son époux. Son état lui parut digne de pitié, et elle n’épargna rien pour l’adoucir : elle l’abandonna à lui-même les premiers jours, et crut que sa présence ne servirait qu’à aigrir ses peines ; mais elle trouva le moyen de l’engager lui-même à chercher sa conversation, en lui