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avec impatience le moment heureux où elle devait rencontrer le mortel destiné à lui plaire. Les spectacles, les promenades, les bals, les assemblées, sont les lieux où se nouent ordinairement les intrigues ; et, comme mademoiselle Benoît, quoiqu’elle eût passé trente ans, se croyait encore en état d’inspirer de l’amour, elle y conduisait son élève, le plus souvent qu’il lui était possible. Vous remarquerez, s’il vous plaît, que cette gouvernante était sage selon l’idée qu’on attache dans le monde à ce terme : elle eût été au désespoir de voir faire à Henriette quelque chose de contraire à la vertu, ou, pour parler plus juste, à ce qu’elle croyait la vertu : malheureusement ses idées à cet égard étaient fausses. Elle croyait qu’on pouvait, sans blesser son devoir, s’occuper de ses charmes, ne rien oublier pour les relever par la parure, chercher à plaire, aimer même, pourvu qu’on s’en tînt aux seuls sentimens du cœur, à un amour platonique. Une telle personne est mille fois plus perni-