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et, sur-tout, de ne la point contraindre. L’amitié d’Henriette, si elle pouvait l’acquérir, serait l’assurance d’une bonne pension pour le reste de sa vie.

Mademoiselle Benoît souscrivit aveuglément à cette dernière condition. En cherchant une place, elle s’était proposé de s’assurer du pain. Les progrès de son élève dans la morale n’avaient pas été comptés parmi les choses dont on devait lui tenir compte aussi n’en fut-il jamais question. Henriette était naturellement bonne ; elle joignait, à beaucoup d’esprit, une grande vivacité et un cœur extrêmement tendre. Il ne faut donc pas s’étonner si elle s’attacha prodigieusement à une femme dont l’unique application était d’étudier ses goûts pour la satisfaire. La gouvernante aimait beaucoup les romans. Henriette ne tarda pas à les dévorer. Les conversations roulaient ordinairement sur ce que l’on avait lu ; tout conspirait donc à nourrir chez cette fille infortunée le désir d’aimer et d’être aimée ; elle attendait