Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(136)

gite ; il se jette à ses pieds, et perd à côté d’elle ce langage respectueux auquel elle était accoutumée, et que son ame vertueuse pouvait seule entendre. Arrêtez, téméraire, lui dit Rannée, avec cette autorité que donne la vertu. Mon cœur et mes sentimens ont moins de ressemblance avec ceux de ma rivale, que les traits de mon visage : portez-lui ce langage que je dédaigne ; l’horreur succède à la tendresse que vous sûtes m’inspirer autrefois.

Ces paroles de Rannée furent un trait de lumière pour Mascave. La vertu de là princesse dissipe l’illusion ; il ne daigne plus consulter ses sens qui l’avaient si cruellement déçu. Son ame reconnaît l’ame de la vertueuse Rannée : il retombe à ses pieds ; mais dans les dispositions du plus vif repentir. Quel crime ai-je commis s’écria-t-il ? et comment me flatter d’obtenir le pardon d’une telle offense ? Ah ! Rannée, que ne pouvez-vous lire dans mon cœur ! les remords le déchirent : vous