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alors telle qu’elle était en effet, et cette vue redoublait son erreur ; car il reconnaissait en elle tous les défauts qu’il avait remarqué dans la vraie Rannée, en ses premières années. Vous croyez peut-être que son dégoût pour la fausse Rannée, était une disposition permanente ; non, les passions, je l’ai déjà dit, sont contradictoires : il l’adorait, la méprisait, la haïssait par intervalle, et quelquefois, il éprouvait en même tems ces sentimens si contraires ; en sorte qu’il pouvait s’appliquer ces vers d’un auteur fameux :

Je te hais et t’aime tout ensemble ;
Je ne puis vivre avec toi, ni sans toi.

Je n’ai rien dit des dispositions de la vraie Rannée. Sa douleur avait été extrême. Clio, invisible pour le reste de la cour, ne l’avait point abandonnée. Pourquoi vous affligez-vous, lui disait-elle quelquefois, des assiduités de Mascave, pour votre rivale ? elles avancent sa guérison, en lui donnant moyen de découvrir les défauts de cette fille. Ah ! ma