Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(133)

chez lequel elle meurt, est long-tems sans s’en apercevoir. Les inégalités de la fausse Rannée parurent alors aux yeux de Mascave pour vivacité, et l’égalité d’humeur de la vraie Rannée, pour indolence.

Je prie mes lecteurs, et sur-tout mes lectrices, de remarquer qu’à mesure que la passion de Mascave augmentait, son respect pour celle qui l’avait fait naître, diminuait. On s’offensa à la vérité la première fois qu’il osa manquer à la décence ; mais ce fut de manière à ne le pas désespérer. La fausse Rannée n’avait pas pris l’habitude de se commander à elle-même : elle succomba bientôt. Mascave se crut d’abord le plus heureux de tous les hommes ; à peine l’ivresse fut-elle dissipée, qu’il se fit horreur. Il ne douta plus que cette princesse, qui avait abandonné la vertu, ne fut la vraie Rannée : les paroles équivoques de la fée nourrissaient son erreur. Elle venait de se rendre indigne de lui ; un dégoût insurmontable prit la place de sa passion satisfaite : il la voyait